Chronique Réflexions
À la vie, à la mort
Lorsque j'étais en dernière année de CEGEP, j'ai participé à une exposition qui avait pour titre et pour thème, la "Tolérance". Chacun des élèves-artistes était invité à proposer une oeuvre sur ce que représentait pour lui ou elle le concept de tolérance... ou d'intolérance. Il y en avait qui prônaient la tolérance aux fumeurs, d'autres, l'intolérance à la façon dont on traite nos aînés ainsi que quelques dizaines d'autres causes qui avaient toutes une importance pour leurs différents promoteurs.
De mon côté, avec un grand sérieux, mais également la belle innocence de cette époque d'exploration post-adolescente, j'avais décidé de traiter du sujet le plus léger qui soit, et j'ai nommé le suicide! Ouais, rien de moins! Mon cheminement philosophique sur les grandes questions de la vie m'avait récemment amené à réfléchir à la chose. J'avais donc écrit un poème sur le sujet que j'avais apposé à côté d'un homme nu et pendu, le tout dans un cadre assez sombre et évocateur. Une image forte, très forte, une oeuvre choc!
«Sache souffrir. Mais ne dis rien qui puisse troubler la souffrance des autres.»
- Léon-Paul Fargue
Quelques jours avant que ne débute l'exposition, nous étions réunis par notre professeur afin que chacun d'entre nous présente et explique son effort artistique non seulement du point de vue esthétique, mais également, pour l'opinion qui y était véhiculée. Quand arriva mon tour, je commencai à expliquer mon tableau et sa signification... Mais rapidement, je fus interrompu par mes collègues chez qui j'avais touché certaines valeurs sensibles avec mon opinion sur la fin de la vie. Aussi, mon prof orienta rapidement la conversation bien au-delà du cadre de ce qui nous réunissait là, dans le but de découvrir la présence ou non d'idées suicidaires chez moi.
Par cette manoeuvre, je fus quelque peu ébranlé, parce que pour moi, il n'y avait bien sûr pas de détresse derrière cette oeuvre. Je n'avais rien à cacher. C'était une exploration du thème et non pas mon cri d'alarme en mot et en peinture. Et même si je n'ai pas apprécié me faire questionner devant mes camarades de classe à ce moment-là, je reconnais aujourd'hui toute la valeur et l'importance de ce geste, cette décision de sa part et son effort conversationnel outre-passant le malaise. Il avait été suffisamment allumé pour ne pas laisser passer la chose sous silence et pour avoir une discussion franche avec moi.
«De la discussion jaillit la lumière.»
- Proverbe Français
20 ans plus tard, aujourd'hui, au moment d'écrire ces lignes, c'est la semaine de prévention du suicide qui se déroule. Et même si je n'ai jamais sérieusement pensé mettre fin à mes jours, mon développement psychologique m'a amené à comprendre ce geste extrême qu'est le fait de s'enlever la vie. Le chemin qui mène au suicide (tout comme bien d'autres désastres de vie) se compose de moments, d'expériences et de pensées tous principalement négatifs qui ne font que s'accumuler les uns sur les autres jusqu'à nous enterrer.
Arrivé en bout de course, à bout de souffle, ayant enduré le pire pendant trop longtemps, vient un moment, un jour où les forces, plutôt que de servir à faire durer ce mal-être de vivre d'une profondeur inexplicable encore une autre nuit, une autre journée, sont retournées vers soi, avec l'idée et dans l'espoir d'en finir avec ces profondes souffrances une fois pour toutes, maintenant qu'il n'y a plus aucun espoir à avoir, plus aucune possibilité d'être mieux, d'être heureux.
«La pensée du suicide est une puissante consolation, elle aide à passer plus d'une mauvaise nuit.»
- Friedrich Nietzsche
Et si vous avez déjà eu des moments plus difficiles dans votre vie, vous savez qu'il est possible de s'en sortir. Vous savez aussi toute l'importance et l'impact que peuvent avoir une parole, un regard, un sourire, une oreille attentive vers cette "guérison". Et si c'était vous aujourd'hui et demain et après-demain qui alliez offrir un peu de répit à quelqu'un qui, sans votre intervention, commencerait sa descente vers de nouveaux enfers... Ne seriez-vous pas fier de l'avoir fait?
Vous avez la chance d'interrompre cette enfilade, cette spirale infernale à chaque croisement de regard, à chaque échange, à chaque fois que vous faites un petit détour pour aller rejoindre l'autre dans son univers afin de lui apporter une fleur, un baume, un contact du coeur. Et si par malheur, c'est vous qui avez aujourd'hui besoin de ces contacts, de cette aide, de ce support, eh bien, peu importe l'ampleur du désastre, de la peine, de l'impossible et de l'insurmontable... parlez-en, confiez-vous et allez chercher l'aide qu'il vous faut... maintenant!
Pour de l'aide ou pour vous aider à aider quelqu'un:
> Associtation Québécoise de Prévention du Suicide
> Suicide Action Montréal
Olivier Turcotte
Thérapeute
514 831-9936
info@olivierturcotte.com
olivierturcotte.com
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