Chronique Réflexions
Les deux moines et la jeune femme
Il était une fois deux moines qui devaient se rendre dans un village bien loin du monastère, situé à plus d'une demi-journée de marche. Ils partirent tôt le matin afin d’avoir la chance de revenir dans la même journée, idéalement avant que le soleil ne se couche.
Le premier moine en était un d’expérience, rempli de ces traditions qu’il connaissait sur le bout des doigts. Le second moine, quant à lui, était beaucoup plus jeune en âge et en expérience, mais avait quant à lui l’agilité mentale et intellectuelle de sa jeunesse.
Ils marchaient tous deux côte-à-côte, principalement en silence, mais par moments, lorsqu’il le jugeait opportun, le plus vieux des deux en profitait pour faire partager avec le novice sa grande connaissance des traditions et quelques-unes de ses observations.
«La Sagesse est l'art des expériences.»
- Claude Thomass
Puis, environ à mi-chemin, ils arrivèrent à un endroit où la route était traversée d’une rivière au fort débit. Il y avait toujours eu un petit ruisseau facile à traverser à cet endroit, mais jamais, autant d’eau et ce courant élevé. Même le plus vieux des deux, qui avait fait ce voyage plus d'une fois, n’était jamais tombé sur cet obstacle que représentait aujourd'hui cette rivière.
Occupés qu’ils étaient à trouver un moyen de traverser, ils ne virent pas cette jolie jeune femme qui arrivait d’un peu plus loin et qui s'approchait pour leur parler. Lorsqu'elle arriva auprès d’eux, après les avoir saluées, elle leur demanda de l'aide pour traverser. Sa plus petite constitution ne lui permettait pas de croire qu’elle serait capable d’atteindre l’autre rive sans se faire emporter par le fort courant.
Après mûres réflexions, confiant en ses moyens, le plus jeune et plus fort des deux moines offrit à la jeune femme de monter sur son dos pour qu’il la porte jusque de l’autre côté. Elle accepta avec beaucoup de reconnaissance. Alors, tous trois se mirent à traverser la rivière, le moine plus âgé s’accrochant même parfois à son jeune collègue pour ne pas perdre l’équilibre.
«Ayant médité la douceur et la compassion, j'ai oublié la différence entre moi et les autres.»
- Milarepa
Et lentement, mais sûrement, tous trois atteignirent l’autre rive sains et saufs. La jeune femme remercia grandement ses deux sauveurs et s’en alla dans sa propre direction tandis que nos deux moines reprenaient, quant à eux, leur chemin en vue de leur destination, le village encore plus loin.
Plusieurs heures passèrent encore, pendant lesquelles le vieux moine ne disait mot. Il avait arrêté de partager ses enseignements. Le novice pensait en son for intérieur que la traversée avait épuisé son ami et remarquait qu’il semblait contrarié. Mais en bon apprenti qu’il était, il décida de respecter ce silence.
Puis, à un certain point, le moine le plus âgé éclata d’une colère! "Comment as-tu pu accepter de porter cette femme sur ton dos pour traverser la rivière... toi qui a fait le serment de ne toucher aucune femme?" Il était réellement en colère face au comportement de son jeune accolyte et tout ce temps qu'il avait mis à exprimer sa désapprobation n'avait fait qu'amplifier sa colère.
«Le travail du moine, c'est de voir venir de loin ses pensées.»
- Les Pères du désert
Surpris par les réprimandes de son compagnon de voyage, le jeune moine prit le temps de réfléchir à la situation. Puis, après quelques instants de silence et le temps juste, il lui offrit ces mots avec grand respect: "Moi, j’ai déposé cette jeune femme de l’autre côté de la rivière il y a déjà longtemps… Se pourrait-il que vous la portiez encore sur votre dos?"
«Ne pas alourdir ses pensées du poids de ses souliers.»
- André Breton
Histoire inspirée d’une légende bouddhiste.
Olivier Turcotte
Thérapeute
514 831-9936
info@olivierturcotte.com
olivierturcotte.com